Il y a 66 ans mourrait Ruben Um Nyobe, figure de la lutte pour l’indépendance, tué par l’armée française le 13 septembre 1958. En ce jour, nous commémorons 66 années depuis que cet homme courageux, alors secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun (UPC), a été abattu par l’armée coloniale française dans le maquis camerounais.
Ruben Um Nyobe n’est pas un homme à oublier. En effet, six ans avant son assassinat, il avait pris la parole aux Nations unies pour exposer ses ambitions pour le Cameroun et dénoncer les abus du colonialisme français. Féru orateur, il s’était fait le porte-voix des opprimés, dénonçant non seulement l’État colonial, mais aussi la collaboration nuisible entre certains Camerounais et les responsables coloniaux. Cependant, chaque année, la figure de Ruben Um Nyobe semble se perdre au milieu de l’actualité. Alors qu’il aurait dû être célébré comme un héros national, son nom peine à surgir dans les programmes scolaires et les discours officiels. Bien que quelques anciens sympathisants de l’UPC continuent d’honorer sa mémoire, beaucoup au Cameroun l’ont oublié, et son rôle crucial dans la lutte pour l’indépendance reste en grande partie méconnu.
Um Nyobe, surnommé le « Mpodol », qui signifie « porte-parole » en langue bassa, est un symbole de la résistance camerounaise. En janvier 1955, face à la répression qui frappait son parti, l’UPC, il se retire dans la forêt de Boumnyébel, où il poursuivra ses efforts pour libérer son pays jusqu’à sa mort tragique. Ce choix de la clandestinité, agrémenté d’une forte détermination, a fait de lui une figure emblématique, souvent qualifiée d’« âme éternelle de l’UPC ».
Son discours prononcé le 17 décembre 1952 aux Nations unies, dans lequel il plaidait pour des droits égaux et une autonomie complète pour le Cameroun, est un rappel puissant de la voix que représentait cet indomptable combattant. Ce discours, empreint de passion et de détermination, résonne encore aujourd’hui, révélant les véritables aspirations des Camerounais au cœur de leur lutte pour la liberté.
Où en est le chantier mémoriel annoncé par Macron?
Fin juillet 2022, lors de son voyage officiel à Yaoundé, le président français Emmanuel Macron a proposé de créer une commission composée d’experts des deux pays, chargée de « faire la lumière » sur l’histoire commune de la France et du Cameroun dans les années 1950 – pendant la colonisation et la répression sanglante des indépendantistes – ainsi qu’après l’indépendance formelle du pays en 1960. Emmanuel Macron s’était engagé sur un délai : 24 mois pour la remise d’un rapport, sur lequel, il comptait se baser pour procéder à ce qu’il avait appelé « les éléments de reconnaissance ».
Au Cameroun, les membres de l’UPC, qui se revendiquent de l’héritage de Ruben Um Nyobe, attendent des excuses de la France. Ils demandent aussi des réparations pour les crimes commis durant ce que des historiens nomment sans détour la guerre du Cameroun. A Paris, pour l’heure, pas de calendrier plus précis, la commission mixte et pluridisciplinaire évoquée à Yaoundé n’est pas encore composée.
Pour l’universitaire Achille Mbembe qui plaide pour un projet mémoriel de grande ampleur, il y a d’abord un énorme travail à mener en amont. Définir le périmètre de la mission de la commission, le volume d’archives à dépouiller, sa dotation: quels moyens aura-t-elle pour fonctionner… « Il vaut mieux prendre le temps de réfléchir et faire quelque chose qui vaille la peine, dit-il, plutôt que de courir et tomber dans le piège de ceux qui ne s’attendent à rien. » La réflexion en est donc au stade préparatoire, pas d’annonce prévue pour le moment.