Selon les informations d’EcoMatin, les pilotes de la compagnie camerounaise projettent d’arrêter le service dans les « prochains jours ».
Au cœur de ce mouvement, on retrouve des revendications liées aux conditions de travail et à la rémunération. Les pilotes estiment que leurs salaires ne reflètent pas l’ensemble du temps qu’ils consacrent à la compagnie, notamment les temps d’attente et les temps de préparation. Ils souhaitent également une révision de la grille salariale, afin d’être rémunérés sur la base du temps total mis au service de l’entreprise et non uniquement sur les heures de vol effectives.
Aussi, ces pilotes déplorent la dégradation du « Crew ressource Management (CRM), nécessaire à la sécurité suite à l’exécution des vols par des pilotes militaires inadaptés et incompatibles à la réglementation aérienne civile. Par ailleurs, est déploré l’organigramme inapproprié et inadapté aux exigences de sécurité (SMS-Safety Management system) recommandé par l’OACI en son annexe 19. Une autre dénonciation qui n’est pas des moindres, c’est la discrimination raciale au profit des pilotes expatriés dont les co-pilotes bénéficient d’une rémunération supérieure aux commandants de bords nationaux.
En somme, ce sont près de cinquante points de revendications que le Syndicat des pilotes de lignes et ingénieurs navigants de l’aviation civile du Cameroun (Spinac) a adressé au délégué du travail pour la région du Littoral. Les grévistes déplorent une « absence de vision » au sein de la compagnie, ce qui, selon eux, impacte négativement leur motivation et leur engagement.
Contactée par nos confrères d’EcoMatin, la compagnie a apporté des éléments de réponse à ces accusations. Selon une source interne, les revendications salariales ne sont pas fondées, car la grille de rémunération actuelle est conforme aux normes en vigueur et aux réformes engagées par la compagnie. Elle rappelle que par le passé, les pilotes étaient payés sur la base de leur présence, même en l’absence de vol, ce qui conduisait à des rémunérations parfois excessives.
En ce qui concerne le traitement supposé privilégié des pilotes militaires, la compagnie précise qu’il s’agit d’anciens pilotes intégrés depuis plusieurs années pour pallier une pénurie de pilotes qualifiés. Quant à l’absence de vision, la direction affirme avoir mis en place un plan de restructuration ambitieux, avec notamment l’acquisition de nouveaux avions et le retour en service d’un Boeing 737-700. Ainsi, ce syndicat menace d’arrêter le travail pour une durée illimitée dès le 13 août 2024. A moins que des réponses efficaces soient adressées à leurs différentes revendications. Un chapelet de réclamations est contenue dans cette lettre. Le Spinac exige un arsenal de révision.
Une menace de grève des pilotes de Camair-co pèse sur la compagnie aérienne camerounaise rejoignant ainsi de multiples crises que traverse la boite depuis des années.
Cette note signée du président du Spinac, le Capitain Ngom Mambingo et des délégués titulaires dont les commandants Frédéric Vroumsia et Youte Ngounou vise plusieurs autres administrations comme le ministère des Finances, le ministère des Transports et même le Premier ministère. Camair-Co est en effet en pleine restructuration depuis plusieurs années, afin de redresser sa situation financière et d’améliorer sa compétitivité. La compagnie fait face à de nombreux défis, notamment une concurrence accrue, des difficultés financières et une image de marque ternie.
Le syndicat menace d’arrêter pour une durée illimitée le travail si rien n’est fait. Avant cette note de préavis, l’actualité mettait en exergue un gros nuage sur la gestion au sein de cette compagnie. D’ailleurs, le Capitaine Idriss Chedjou évoquait entre autres défaillances, l’augmentation de la fréquence des pannes immobilisant les avions de Camair-Co et augmentant la charge de travail du personnel en sous-effectif. Sans compter la détérioration continue des conditions de travail empêchant certains services cruciaux de contribuer au maintien de la sécurité des vols avant toutes considérations commerciales, la suspension pour non-paiement de certains services supports critiques permettant le suivi des KPIs en matière de sécurité de l’exploitation ; l’utilisation de nos aéronefs hors limitations structurelles et en marges des procédures constructeurs par certains pilotes.
Dans sa note, le Directeur par intérim des Opérations de Camair co affirmait que « le constat ci-dessus n’est que la résultante logique d’une inadéquation organisationnelle et une dégradation de la situation financière de la compagnie qui a atteint un niveau très alarmant. Tout ceci impacte directement le dernier maillon de notre système de maintien de la sécurité déjà extrêmement oxydé ».
Ceci sans compter le passage en ordre croissant des directeurs à la tête de la structure en 2020, la compagnie était à son 7è directeur en 9 ans. Pourtant, Camair-co, la compagnie aérienne nationale du Cameroun, a réussi à transporter 209 994 personnes au cours de l’année 2022, apprend-on du rapport annuel de la Commission technique de Réhabilitation des Entreprises du Secteur public et Parapublic. Par rapport à l’année 2021, le taux a connu un accroissement de 36,74%. Selon le rapport, la compagnie nationale qui contrôle 45% du marché local a desservi six destinations sur le marché domestique et deux dessertes sur le marché régional (Gabon, Tchad). Cette performance a permis à l’entreprise d’accroître de 56% son chiffre d’affaires à 18 milliards contre 11 milliards en 2021. Ledit chiffre est constitué à 92% des revenus issus du transport des passagers et 8% du fret qui s’est établi à 341 155 kg en 2022.